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Cette fiche technique a été rédigée par Zero Waste France, avec l’aide de France Nature Environnement
Voir également les mesures 11 et 18.
La tarification incitative consiste à faire varier le prix de l’enlèvement des ordures ménagères en fonction de la quantité de déchets produite par les usager·es. En effet, le système fiscal le plus répandu en France concernant les déchets ménagers n’incite pas à réduire et à trier. Le plus souvent, l’enlèvement des déchets est facturé via la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), déterminée en fonction de la valeur foncière de l’habitat, sans aucun lien avec la quantité de déchets produits.
La tarification incitative constitue un outil efficace pour inciter au tri et à la réduction des déchets. Dans les collectivités françaises qui l’ont mis en place, en moyenne, entre l’année qui précède la mise en place de la tarification incitative et l’année de sa mise en place, la réduction des déchets ménagers non triés est de 91 kg/hab, soit une baisse de 20 à 70 % par rapport au ratio initial.
La tarification incitative est pour l’instant appliquée de manière marginale en France : en 2016 seuls 4,5 millions de personnes étaient concernées par ce mode de financement incitatif (soit 190 collectivités), La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015 fixe comme objectif d’atteindre 25 millions d’habitant·es couvert·es par ce dispositif en 2025. Pourtant, le retour d’expérience des collectivités montre que, lorsque la tarification incitative est accompagnée des mesures de prévention et de sensibilisation, les résultats bénéfiques sont là : forte progression du geste de tri, de la collecte des recyclables et réduction significative des ordures ménagères résiduelles (dites « OMR »).
A noter que les collectivités locales gèrent bien souvent également les déchets des petites entreprises et commerces, appelés déchets “assimilés” aux déchets ménagers qui peuvent représenter une part considérable des volumes pris en charge par les collectivités, notamment en milieu urbain où la concentration en commerces est forte. Un système d’incitation spécifique, appelé “redevance spéciale”, peut leur être appliqué, avec une grille tarifaire correspondant aux types de déchets produits par les commerces. Cette redevance spéciale est un outil efficace pour encourager le tri auprès des commerçant·es et entreprises et réduire in fine la quantité d’ordures collectées par le service public.
Adopter la tarification incitative suppose inévitablement d’opérer une petite “révolution” dans les modalités de financement du service public de gestion des déchets. Sa mise en œuvre ne doit pas être un simple choix technique mais s’inscrire dans un projet global de la collectivité, qui touche chacun et chacune. Elle nécessite une volonté politique affirmée et une concertation renforcée avec les habitant·es.
Il faut 2 ou 3 ans pour préparer puis mettre en œuvre un tel projet. La collectivité se doit de faire un profond état des lieux du service public de gestion des déchets pour optimiser le service à l’habitant·e (évolution de la collecte – enquêtes, dotation, gestion de fichiers – et informatisation du parc de contenants et des véhicules) tout en mobilisant divers services pour fédérer autour du projet mais aussi renforcer ses moyens humains pour la gestion du service.
Le principe de la tarification incitative est d’introduire dans le mode de financement du service public de gestion des déchets, une part variable, en fonction des quantités de déchets produites. On paye donc une part fixe, qui permet de couvrir les charges fixes de la collecte des déchets et une part variable qui dépend de la quantité de déchets produite (le poids respectif attribué à la part fixe et à la part incitative peut varier).
La part variable peut être calculée en fonction de deux critères :
→ Au poids : Un tarif est appliqué par kilogramme de déchets produits. Chaque bac d’ordures ménagères est équipé d’une puce électronique qui permet de le rattacher aux propriétaires du bac. Lors de la collecte des déchets, le camion-benne pèse chaque bac ramassé juste avant de les vider dans le camion-benne. Ce poids est enregistré dans le compte usager·e correspondant au bac collecté.
→ Au volume : Différentes modalités de calcul existent :
Les possibilités techniques pour la mise en œuvre de cette mesure sont nombreuses : part incitative plus ou moins importante dans la facture finale, volume forfaitaire au-delà duquel les levées supplémentaires de bacs sont payantes, grilles tarifaires favorables aux familles ou aux personnes résidant en habitat collectif, etc. Les modalités de l’incitation économique peuvent ainsi s’adapter aux spécificités des territoires (populations touristiques, zones urbaines denses…) et aux priorités choisies (progression du tri, baisse de la fréquence de collecte, réduction des déchets…).
On peut également lister plusieurs bonnes pratiques qui vont permettre de mettre en œuvre la mesure de manière efficace et transparente.
La tarification incitative présente de nombreux intérêts :
Elle suscite aussi des craintes :
En France, l’agglomération de Besançon (116 466 hab.) est l’exemple incontournable. Depuis 2012, les bisontin·nes payent en fonction du poids de leurs poubelles. Ce système de facturation a permis de diminuer de près d’un tiers la quantité de déchets non recyclés et de réduire les coûts pour tous et toutes. Concrètement, le centre-ville qui produisait 200 kg/hab de déchets résiduels en 2012 n’en produisait plus que 155 kg fin 2013. Et la périphérie, qui produisait en moyenne 166 kg/hab n’en produisait plus que 105 kg. En parallèle, la ville a mis en place de nombreuses initiatives pour offrir à chacun·e des solutions afin de réduire et mieux trier les déchets. Par exemple, des chalets de compostage pour accueillir les restes de repas ont été installés à différents endroits de la ville et des opérations de sensibilisation au tri et aux éco-gestes ont été réalisées dans plusieurs quartiers.
Le Smictom Pays de Vilaine (83 000 hab.), la collectivité en charge de la gestion des déchets dans la région de Guichens en Bretagne, a adopté la tarification incitative au volume (nombre de levées des poubelles d’ordures résiduelles) en 2013, en même temps qu’elle a mis en place une collecte spécifique pour les restes de repas (qui sont désormais compostés). En quelques semaines, le taux de recyclage est passé de 48 à 62 % dans les 30.000 foyers concernés par l’expérimentation. La collectivité a organisé six mois de porte à porte pour expliquer la démarche aux habitant·es. Aujourd’hui, le pays de Vilaine ne produit plus que 87 kg d’ordures résiduelles/habitant, alors qu’il en produisait 212 kg en 2012.
En Europe, la tarification incitative est majoritaire dans certains pays comme en Allemagne et en Suisse. En Italie, la ville de Trévise et de Parme ont mis en place la tarification incitative.